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Des gens m’envoient mes images par la poste et par Twitter, en me menaçant de divulguer des renseignements sur moi. Je les ai signalés pour harcèlement et possession d’images d’abus pédosexuels; ça n’a rien donné.

— Une répondante à l’enquête

Expériences des survivant·es d’abus pédosexuels avec prise d’images et pistes de solutions pour les gouvernements et les plateformes numériques.

Chez les survivant·es d’abus pédosexuels avec prise d’images, l’enregistrement des abus crée un traumatisme permanent, notamment à l’idée que les images de ces abus défilent peut-être sous les yeux d’abuseurs dans le monde entier. Ce rapport, basé sur les réponses de 281 survivant·es, porte sur les expériences des survivant·es en lien avec la distribution de leurs images d’abus et propose des solutions pour réduire les préjudices qui leur sont causés.

On y résume ce que des fournisseurs de services en ligne on fait – ou pas – lorsque des survivant·es leur ont demandé de supprimer d’images d’abus pédosexuels ainsi que les raisons pour lesquelles d’autres survivant·es ont renoncé à en faire autant.

Pour illustrer l’importance d’obliger les fournisseurs de services en ligne à stopper la diffusion d’images d’abus pédosexuels, ce rapport révèle les inquiétudes des survivant·es à l’idée de se faire reconnaître à partir de ces images. On y relate également les violences physiques, sexuelles et verbales que des survivant·es ont subies en ligne et hors ligne après s’être fait reconnaître. Le rapport propose aussi des solutions pour réduire ces préjudices, lesquelles se fondent sur les expériences rapportées par les survivant·es.

Ces travaux s’appuient sur notre Enquête internationale auprès des survivantes et survivant·es, publiée en 2017.

Lire le rapport

Ce que nous avons appris

  • La majorité des survivant·es (59 %1) n’ont jamais demandé à des fournisseurs de services en ligne de supprimer leurs images d’abus pédosexuels. Pourquoi? Certains ont répondu ne pas savoir comment signaler ou trouver les images en question, ou qu’ils pouvaient les signaler. D’autres n’avaient pas envie de voir ces images ou pensaient que les fournisseurs de services ne coopéreraient pas.
  • Beaucoup de survivant·es ont fait état d’expériences négatives avec des fournisseurs de services en ligne lorsqu’ils cherchaient à faire supprimer leurs images. Les fournisseurs de services tardaient à supprimer les images d’abus pédosexuels, ignoraient les demandes des survivant·es ou refusaient d’y donner suite.
  • Les trois quarts2 des survivant·es craignaient de se faire reconnaître à partir de leurs images d’abus pédosexuels. Le plus souvent, les survivant·es redoutaient de subir d’autres abus de la part de l’abuseur initial ou d’autres abuseurs.
  • Les survivant·es qui se sont fait reconnaître à partir de leurs images d’abus pédosexuels ont presque tous subi d’autres préjudices par la suite, tant sur Internet que hors Internet3. On parle notamment de divulgation de renseignements personnels, de traque, de harcèlement et d’autres formes de violence, tant sexuelle que non sexuelle.
  • L’anonymisation, le chiffrement et la décentralisation des services viennent aggraver les préjudices causés aux survivant·es. Les survivant·es ont mis en relief les aspects techniques des services en ligne, comme les sites Tor, les réseaux poste à poste décentralisés et le chiffrement de bout en bout des services de messagerie privée, qui compliquent les demandes suppression d’images d’abus pédosexuels.

Je me fais beaucoup harceler à cause de l’exploitation et des abus sexuels que j’ai subis. Je reçois des messages de menaces et de railleries de la part de gens qui disent vouloir me violer ou m’agresser, qui prétendent que je le mérite ou que je le désire, qui trouvent ça correct que je me fasse violer, abuser et exploiter, qui décrivent en détail ce qu’ils me feraient, et qui m’envoient des photos de leur bite en me disant combien ça les excite de me regarder me faire abuser.

— Une répondante à l’enquête

Recommandations pour les gouvernements et les fournisseurs de services en ligne

Nos recommandations pour réduire la violence que les survivant·es continuent de subir et leur éviter d’avoir à rechercher et à signaler leurs images d’abus pédosexuels se déclinent en trois catégories : les mesures proactives, les mesures réactives et les pratiques de modération centrées sur les survivant·es.

Nous encourageons certes les fournisseurs de services en ligne à adopter volontairement ces recommandations, mais après plusieurs décennies d’incapacité de leur part à protéger les enfants et les survivant·es, nous sommes d’avis que la situation ne changera que lorsque les gouvernements leur imposeront un cadre réglementaire.

Les mesures suivantes visent à prévenir la distribution d’images d’abus pédosexuels et l’aggravation des préjudices subis par les survivant·es : 

  1. Utiliser des technologies de comparaison d’images et de correspondance d’empreintes numériques – qui sont largement disponibles – pour empêcher le téléversement d’images d’abus pédosexuels connues. Ces technologies devraient être déployées partout où il est possible de téléverser et de partager des images, y compris dans les messageries privées.
  2. Utiliser à la fois des classifieurs IA respectueux de la vie privée et des modérateurs humains pour signaler à des fins de vérification les téléversements d’images d’abus pédosexuels possiblement encore inconnues des autorités.
  3. Mobiliser un nombre suffisant de modérateurs humains pour vérifier et traiter le volume de contenu du service ainsi que pour détecter et bloquer les images d’abus pédosexuels qui sont encore inconnues des autorités.
  4. Bloquer ou vérifier scrupuleusement les images téléversées par des utilisateurs qui masquent leur identité et leur localisation, par exemple en utilisant Tor pour accéder à un service en ligne ou en se cachant derrière un réseau privé virtuel (« RPV »).
  5. Mettre en place des pratiques de « connaissance du client » adaptées selon des évaluations de risque. Par exemple, les services en ligne qui reçoivent des fichiers de pornographie adulte devraient avoir un processus de vérification des utilisateurs plus rigoureux que les services en ligne qui reçoivent des évaluations de produits sous forme écrite.
  6. Vérifier l’âge et le consentement réel et libre de toutes les personnes figurant dans les images de pornographie adulte téléversées par les utilisateurs avant de les rendre accessibles.
  7. Concevoir des systèmes pour bannir les utilisateurs qui téléversent des images d’abus pédosexuels et les empêcher de créer de nouveaux comptes.
  8. Entraver les activités des abuseurs et le développement de leurs communautés en modérant les services en ligne de manière à détecter certains schémas comportementaux et la présence d’autres indicateurs dans le voisinage des images (p. ex. commentaires sexuels, termes communément associés aux images d’abus pédosexuels).
  9. Partager avec d’autres partenaires sectoriels des informations concernant les utilisateurs qui ont tenté de partager des images d’abus pédosexuels ou qui ont fait l’objet d’un signalement en lien avec le point no 8 (comme cela se fait pour les individus soupçonnés de fraude, de pollupostage, de blanchiment d’argent ou d’autres délits informatiques).
  10. Bloquer les expressions et les termes communément associés aux abus pédosexuels pour empêcher les utilisateurs de publier des commentaires et des messages privés sexuellement violents ou harcelants.

Les mesures préventives pour mettre un terme aux abus ou à la violence subis les survivant·es et les enfants ne sont qu’un moyen parmi d’autres de les protéger. Pour les images d’abus pédosexuels connues qui échappent à la détection par des mesures proactives et les nouvelles images d’abus pédosexuels qui sont téléversées pour la première fois, il faut une seconde ligne de défense. Ces mesures doivent prendre en charge d’autres types de contenus, comme les images préjudiciables/violentes ainsi que la divulgation de renseignements personnels sur les victimes ou les survivant·es. Par rapport à ces contenus, nous proposons les mesures réactives suivantes : 

  1. Offrir à tous les utilisateurs (enregistrés et visiteurs) des moyens libres d’entraves pour signaler les images susceptibles de revictimiser des survivant·es. Il est important que les survivant·es n’aient pas à s’identifier.
  2. Veiller à ce que les options de signalement des images susceptibles de revictimiser des survivant·es soient clairement affichées et mises en avant, de sorte que les utilisateurs et les visiteurs puissent accéder facilement aux voies de recours.
  3. Vérifier en urgence et supprimer rapidement les images signalées qui sont susceptibles de revictimiser des survivant·es. Cela permettrait de limiter la diffusion des images d’abus pédosexuels et de protéger la vie privée et la sécurité des survivant·es.

Les abus pédosexuels subis par les survivant·es sont souvent aggravés par le fait que les fournisseurs de services en ligne n’utilisent pas de pratiques de modération centrées sur les survivant·es d’abus pédosexuels avec prise d’images. Dans ce contexte, nous offrons les recommandations suivantes : 

  1. Privilégier la prudence et la sécurité. Pour ce faire : 
    • si la vérification d’une possible image d’abus pédosexuels en fonction des stades de maturation sexuelle ne permet pas d’établir clairement que le sujet est un adulte ou un enfant, supposer qu’il s’agit d’un enfant et supprimer l’image. Les fournisseurs de services en ligne pourraient toujours prévoir un mécanisme d’appel et restaurer l’image s’il est prouvé que tous les sujets étaient adultes au moment de l’enregistrement, qu’ils avaient donné librement leur consentement et que ce consentement demeure valide;
    • lorsque de possibles images d’abus pédosexuels sont signalées, les masquer aussitôt pour qu’elles ne soient ni vues ni distribuées avant d’avoir été vérifiées;
    • si une personne signale des images en disant qu’elles la mettent en scène dans des abus pédosexuels perpétrés contre elle, la croire sur parole. Ne pas obliger les survivant·es à prouver leur âge ni leur identité.
  2. Supprimer dès leur signalement les contenus susceptibles de revictimiser des survivant·es d’abus pédosexuels, tels que : 
    • les photos et vidéos de survivant·es qui les mettent en scène lorsqu’ils étaient enfants et qui ne franchissent pas la limite de la légalité. Même si ces images sont légales, elles peuvent tout de même s’avérer préjudiciables. Par exemple, elles pourraient faire partie d’une collection d’images d’abus pédosexuels (p. ex. une image d’une survivante vêtue qui aurait été prise au début d’une vidéo dans laquelle elle sera abusée) ou servir à signaler l’existence d’images d’abus pédosexuels (p. ex. des photos du sujet en maillot de bain);
    • les photos et vidéos de survivant·es d’abus pédosexuels avec prise d’images qui les montrent à l’âge adulte, pour éviter qu’ils se fassent reconnaître et leur éviter les préjudices qui s’ensuivent;
    • les renseignements personnels de survivant·es (p. ex. nom, adresse, numéro de téléphone, comptes de médias sociaux, membres de famille), pour réduire au minimum les risques de divulgation, de traque, de harcèlement et d’autres préjudices.
  3. Indiquer aux auteurs de signalements d’abus les mesures qui seront prises ainsi que le numéro de référence de leur signalement et les coordonnées du service à contacter pour de plus amples informations.
  1. 1 100 des 169 survivant·es rapportent avoir demandé à des fournisseurs de services en ligne de supprimer leurs images d'abus pédosexuels.
  2. 2 100 des 135 survivant·e ont dit craindre de se faire reconnaître à partir de leurs images d'abus.
  3. 3 Sur les 82 survivant·es qui se sont fait reconnaître à partir de leurs images d'abus, 78 ont subi d'autres formes de harcèlement ou d’abus.

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