Nous tenons à rappeler aux entreprises que les enfants mis en scène dans les images qu’on leur demande de retirer sont de vrais enfants. Nous voulons que les gens cessent de voir ça comme un crime sans victime et fassent la différence entre les images d’abus pédosexuels et la pornographie. La pornographie est consensuelle entre deux adultes. [Les images d’abus pédosexuels] ne sont jamais un choix pour ces enfants; c’est un abus, et ils n’ont jamais consenti à leur diffusion.
Nos manquements envers les enfants : Changer le paradigme
Nos manquements envers les enfants : Changer le paradigme appelle les gouvernements, les entreprises et les centrales de signalement du monde entier à agir de toute urgence. Les politiques actuelles concernant le retrait des images d'abus pédosexuels sont axées sur la détermination et le retrait des images jugées illégales en vertu du droit pénal. À la différence, le cadre que nous proposons place au premier plan les intérêts supérieurs des enfants et leur droit à la dignité, à la vie privée et à la protection. Il est indéniable que les droits d’un enfant victime seront sans cesse violés tant que des images de violence et d’abus à son endroit seront accessibles sur Internet.
Ampleur du problème
- Depuis son lancement en 2017, le Projet Arachnid du CCPE a retenu pour analyse humaine plus de 20 millions d’images potentiellement associées à des abus pédosexuels et envoyé à l’industrie plus de cinq millions de demandes de suppression d’images1.
- Aux États-Unis, la centrale CyberTipline du National Center for Missing and Exploited Children (NCMEC) — la plus grande au monde — reçoit en moyenne un million signalements de cas d’exploitation sexuelle d’enfants par mois et cumule plus de 45 millions de signalements2.
- Dans une enquête internationale3 menée par le CCPE auprès des survivantes et survivants d’abus pédosexuels, 87 % des répondants étaient âgés de 11 ans ou moins quand les abus ont commencé; 56 % étaient âgés de moins de 4 ans.
- La durée de la période d’abus s’avère extrêmement bouleversante : chez 36 % des survivantes et survivants, les abus se sont poursuivis à l’âge adulte.
- Près de 70 % des répondants disent être constamment habités par la crainte de se faire reconnaître par quelqu’un qui a vu leurs images d’abus et 30 % déclarent s’être effectivement fait reconnaître.
L’inadéquation des approches actuelles
Les moyens déployés pour combattre cette épidémie sont à bien des égards inadéquats et notre cadre soulève plusieurs grandes préoccupations :
- L’industrie s’en tient strictement aux définitions étroites du droit pénal. Les définitions pénales ne tiennent pas compte du vaste éventail d’images préjudiciables ou violentes en circulation et s’avèrent trop strictes pour servir de base à des décisions sur la suppression des images. Par conséquent, une grande proportion d’images préjudiciables ou violentes restent en ligne.
- La variabilité du niveau d’engagement manifesté par les entreprises de technologie à l’égard de la protection des enfants (certaines donnent suite rapidement aux demandes de retrait tandis que d’autres les contestent ou les ignorent carrément).
- L’industrie omet de supprimer toutes les images d’une série consacrée à un abus. Beaucoup d’images sont produites dans le contexte d’un abus, et bien que certaines (prises isolément) ne répondent pas en principe à une définition pénale, elles s’insèrent quand même dans le continuum de l’abus subi par l’enfant. Par exemple, une série peut s’ouvrir sur l’image d’un enfant vêtu et en venir à montrer des scènes d’abus sexuel contre cet enfant. L’image de l’enfant vêtu n’en reste pas moins un rappel de l’abus qu’il a subi.
- L’industrie manque de cohérence et d’objectivité dans ses analyses. Pour certains membres de l’industrie, tout signe de maturité physique exclura la suppression de l’image même si elle fait l’objet d’une demande de suppression venant d’une centrale de signalement fiable et vérifiée.
- Les photos et les vidéos de violence physique sont souvent ignorées. Il y a parfois des scènes de violence physique extrême (ligotage, torture physique).
- Les conditions d’utilisation de l’industrie sont appliquées de façon arbitraire. Les entreprises interprètent et appliquent ces règles sans aucune véritable possibilité de révision ou d’appel par les membres du public. N’étant pas soumises à surveillance adéquate, les entreprises prennent inévitablement des décisions arbitraires en ce qui a trait à la suppression d’images.
Cadre d’action
Le CCPE propose un ensemble de principes d’action qui appellent à penser d’abord à la protection et aux droits des enfants lorsqu’il s’agit de retirer des images d’abus pédosexuels et des images préjudiciables ou violentes :
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Supprimer un plus grand éventail d’images préjudiciables ou violentes comprenant :
- Toutes les images associées à l’abus. Ces images ne répondent souvent pas à la définition pénale, mais elles s’insèrent néanmoins dans le processus d’abus.
- Les photos et vidéos d’enfants nus ou partiellement nus qui ont été diffusées (généralement après avoir été volées sur des comptes de médias sociaux non sécurisés ou prises en secret) ET qui sont utilisées dans un contexte sexualisé ou associées à des commentaires à caractère sexuel.
- Les photos et les vidéos d’enfants en situation d’abus, de torture ou de contention.
- Les entreprises doivent donner suite de façon objective et uniforme aux demandes de suppression qui leur sont transmises par des centrales fiables et vérifiées, et les fournisseurs de services internet doivent refuser de servir les opérateurs négligents ou complices de la présence d’images d’abus pédosexuels sur Internet.
- Les pouvoirs publics doivent prendre les devants et mettre en place des lois qui placent l’intérêt des enfants au centre de l’attention.
- La société doit réclamer des changements.
En clair, on ne peut plus se permettre d’accepter le statu quo. On en sait plus qu’assez sur les méthodes utilisées pour exploiter et victimiser des enfants. Le cadre que nous proposons appelle à soumettre la suppression des photos et des vidéos à des critères qui prônent l’intérêt supérieur de l’enfant victime.
Lire le Cadre
Découvrez comment le CCPE met la technologie au service de la lutte contre cette épidémie mondiale avec le Projet Arachnid.
Aux survivantes et survivants d’abus pédosexuels
Nous sommes conscients que les informations présentées dans ce document puissent être pénibles à lire. Tâchez d’être à l’écoute des sentiments que la lecture de ce document pourrait réveiller en vous. Si les émotions prennent le dessus, prenez une pause, demandez de l’aide autour de vous ou prenez les moyens qu’il faut pour vous ressaisir. Allez-y à votre rythme et prenez tout le temps qu’il vous faut.
Un mot sur le vocabulaire utilisé dans ce document : Certaines personnes n’aiment pas mettre des étiquettes sur leurs expériences passées ou présentes ou peuvent en venir à les désigner autrement avec le temps. Dans ce document, nous avons choisi d’utiliser les termes « survivantes » et « survivants », mais il existe une panoplie d’autres termes, comme « victime », « battante/battant » et même « guerrière/guerrier ». Quel que soit le terme que vous préférez (ou même si vous n’en préférez aucun), sachez que, pour nous, un être humain ne peut se résumer à une seule expérience. Nous sommes avec vous et sommes là pour vous accompagner où que vous soyez dans votre cheminement.
Si vous le désirez, vous pouvez nous faire part de vos réflexions sur le cadre ou sur votre expérience personnelle; écrivez-nous à soutien@protegeonsnosenfants.ca. Vous pouvez aussi partager des informations sur votre expérience en participant à notre Enquête internationale auprès des survivantes et survivants.
- 1 En date de juillet 2020. ↩
- 2 En date d’avril 2019. ↩
- 3 Les résultats complets de l’enquête internationale du CCPE auprès des survivantes et survivants son publiés à protegeonsnosenfants.ca/resultats. ↩